On le sait, Alfred Nobel est l’inventeur de la dynamite mais aussi le fondateur du prix qui porte son nom et se décline durant les cinq premiers jours de la première semaine d’octobre en cinq lauréats prestigieux dont le prix Nobel de littérature… Savoureux ce raccourci qui va de l’explosion à la littérature. Mais cette année 2019 si elle n’est pas bissextile sera deux fois explosive. Nous aurons le droit à deux prix Nobel de littérature. L’année dernière, une déflagration d’ordre sexuelle a soufflé le jury Nobel qui après une cascade de démissions a trouvé plus convenable de surseoir à la désignation du prix 2018.
Mais n’ironisons pas trop : le Nobel ne me laisse jamais indifférent ; d’abord parce qu’il couronne une œuvre et non pas un livre. Soit qu’il reconnaisse une valeur sûre soit qu’il mette en lumière un-e illustre inconnu-e, c’est d’abord une œuvre qu’il universalise. Alors qu’est-ce qu’une œuvre ? Est-ce l’accumulation d’un nombre important de recueils – mais le nombre fait-il la qualité ? Flaubert aurait-il assez écrit pour le recevoir s’il n’était pas mort avant le premier lauréat en 1901 ? Si la légitimité du nombre existait, Balzac avec ses 90 romans l’eut sûrement obtenu. Mais alors une certaine héroïne au chapeau très haut-de forme serait certainement dans la course, elle qui rend sa copie avec une ponctualité métronomique. Mais elle n’est pas la seule et elle pourrait même être détrônée par un camarade-compatriote qui n’hésite pas à faire paraître deux voire trois opuscules par an !
Une œuvre fait d’abord sens et, ancrée fortement dans un territoire, n’en a pas moins une portée universelle. Lorsqu’on observe la liste des quelque cent quatorze noms, on peut bien sûr regretter des absents, s’étonner de noms qui ne nous disent plus rien, mais la diversité des écritures plaide tout de même pour le respect. Je ne suis même pas sûr que la critique que l’on adresse parfois à ce prix – qu’il ne choisît que des œuvres consensuelles, disons-le humaniste -le terme n’est plus à la mode – soit juste. Certes l’attention à la diversité des peuples, à l’écologie désigne plus aisément le Français Le Clézio. Mais l’autrichienne Elfriede Jelinek était-elle si consensuelle ? On peut certes déplorer que l’iconoclaste Philip Roth ait été oublié mais il y avait du panache à choisir le grand Bob.
L’îlot-bouquins ne va pas hésiter à vous annoncer, quelques heures avant Stockholm, son Nobel 2018 et 2019. Sans céder à aucune pression, sans consulter les listes qui circulent et qui éloignent le bon sort, puisqu’aucun des noms sur ses listes ne s’est vu décerner le prix l’année où ils étaient inscrits. Ce sera l’Italien Erri de Luca et le Martiniquais Patrick Chamoiseau. Nous avons encore un doute sur l’ordre du millésime, ce sera peut-être Patrick Chamoiseau et Erri de Luca.
Ce scoop annoncé, il ne faudrait pas que vous oubliiez que l’îlot-bouquins possède dans son fonds un nombre important de lauréats. 23 auteurs sur les 30 derniers prix ! Et si vous regardez avec attention, vous serez surpris d’apprendre qu’il y a même l’Italienne Grazia Deledda prix Nobel 1926 et le Yougoslave – on a pu l’être – Ivo Andric , prix Nobel 1961…
Vous pouvez vous également décerner le prix Nobel de votre coeur et il vous reste au moins 2400 noms de la liste de l’îlot-bouquins à couronner. Le lecteur est roi ! De Suède éventuellement.
Yves Livigni