Nous avions passé notre première année d’existence, nous nous apprêtions à échanger une brise de reconnaissance à nos lectrices et lecteurs, à souffler notre première bougie parmi eux, lorsque s’invita l’impérieux, l’indispensable, le renversant confinement !
Le tout-monde tonitruant s’arrêta.
Pour les uns, ce fut les 24 heures du soin, pour d’autres l’ultime combat, pour certains le minuit de la reconnaissance, comme un bain- révélateur pour les petites-mains indispensables, les petits boulots essentiels, pour d’autres ce fut la semaine des sept jeudis pour qui les gâteaux du dimanche finiront en pain noir.
Passée la stupéfaction de voir ce tout-monde que rien ne pouvait arrêter, s’immobiliser. L’ébahissement d’entendre que la machine a laissé place au silence, on sentit un soulagement et une sourde inquiétude, mêlés. Et chacun fit alors ce qu’il pouvait, certains mieux armés que d’autres pour accepter cette suspension du temps d’avant. Mais n’en tirons aucune gloire : si la lecture nous sauve de l’ennui, si la soif de connaissances peut-être une chance dans cette parenthèse inattendue, beaucoup n’auront pas même l’envie, le temps, le choix d’ouvrir leur monde à cette autre vie.
Notre deuxième saison devait donc commencer avec une même éthique. Avec l’Ilot-bouquin nous croyons qu’il est important de diffuser le livre ailleurs que dans des endroits attendus. Certains ne pousseront jamais la porte d’une bibliothèque ou d’une librairie car ce sont des lieux intimidants et qui demandent une habitude culturelle. Sur le marché, on peut se laisser le temps de découvrir un livre qu’on n’attendait pas et qui nous parle. Un livre est un signe qui nous appelle.
Nous privilégions une consommation plus éthique et plus durable des livres : le livre d’occasion.
Nous avons besoin des librairies : l’achat de livres neufs permet de financer la création littéraire, d’encourager la diversité culturelle et donc de rémunérer des auteurs.
Mais acheter un livre d’occasion est un acte écologique car il permet de faire circuler un livre en participant ainsi à réduire l’empreinte carbone émise dans le monde. Bien sûr, cela ne rémunère pas l’auteur. Mais le coût modeste des livres d’occasion permet de découvrir davantage d’auteurs qui trouveront ainsi des lecteurs qui achèteront peut-être leur livre le plus récent. La pratique de la lecture est diverse, il n’y a pas de concurrence dans le livre. Lire est un acte de désir, et donc un acte constamment renouvelé.
Avoir une consommation éthique est toujours affaire de choix : au lecteur d’élire les auteurs qu’il veut rémunérer en achetant un livre neuf, à lui de choisir les découvertes, les livres anciens, les livres rares chez les bouquinistes en limitant la fabrication d’un livre existant.
La crise que nous venons de traverser n’est pas due au hasard, elle n’est et ne sera pas hélas unique, elle n’est pas une épreuve qu’il suffira d’oublier. Chacun dans les années qui viennent va être convié à réfléchir à sa vie, à évaluer ce qui lui est essentiel, à faire des choix éthiques.
Un livre, parce qu’il dure, qu’il déroule son savoir, sa poésie, son ouverture, ses histoires, ses rêves… parce qu’il nous vole du temps au travail imposé, aux contraintes… nous détourne de la pure consommation inutile, celle qui nous encombre nos vies sans nous rendre heureux.
Notre désir à nous, c’est de vous retrouver, de vous proposer un faisceau d’œuvres choisies et de partager avec vous notre expérience de lecteur, de lectrice, de rêveurs.
Yves