Après l’Italie, passons une nouvelle frontière. Oublions les pays limitrophes de la France – à moins que l’on ne considère l’Océan Atlantique comme un trait d’union entre notre continent et l’Amérique- pour nous promener aux Etats-Unis. Mais empressons-nous de mettre des limites à notre périple. Il serait un peu prétentieux, dans notre court feuilleton, d’évoquer la littérature américaine dans son ensemble. Choisissons donc une couleur. Arrêtons-nous sur le mot même de frontière – frontier- qui désignait dans la conception américaine « une région aux confins d’un territoire civilisé ». On le sait les Etats-Unis se sont construits par un front pionnier se faisant surtout d’est en ouest, entre 1820 et 1880 date à laquelle le territoire semble suffisamment maîtrisé. Cette colonisation, on le sait, s’est faite par la conquête d’immenses espaces et par un impitoyable génocide indien. L’imaginaire américain s’est amplement abreuvé à ce monde prétendument vierge et hostile qu’il fallait vaincre.
Avec l’Îlot bouquins vous pourrez revenir sur ces thèmes originels de l’Amérique.
Parcourez le monde indien avec le bel album anthropologique Native Nations du photographe et ethnologue Edward S. Curtis qui a entrepris l’inventaire photographique d’Amérindiens des 80 tribus existantes. Cette population indienne qui était estimée à plus d’un million d’individus au XVIIIe siècle, avait chuté aux alentours de 40 000 lorsqu’il lança son projet. On pourra lire Mœurs et histoire des Indiens de René Thévenin et Paul Coze ainsi que l’Histoire des Apaches, la fantastique épopée du peuple de Géronimo, de Jean-Louis Rieupeyrout ou bien directement lire les Mémoires de Géronimo. Et pourquoi pas se laisser raconter le premier récit de la Conquête de l’ouest vue du côté indien avec Enterre mon cœur à Wounded Knee de Dee Brown. Poursuivez avec l’étude cinématographique de la mythologie : Le Western, en 10 18 ou par l’étude de Patrick Brion.
La littérature permet aussi le voyage en terres indiennes : le classique Le dernier des Mohicans, James Fenimore Cooper, le roman policier ethnologique : Tony Hillerman, la mythologie abordée par Cormac Mc Carthy dans Méridien de sang, David Treuer Indian Roads, Jim Fergus Mille femmes blanches et the last but not least une figure importante de la jeune littérature indienne, Louise Erdrich, La malédiction des colombes.
Les grands espaces – l’autre grand thème de l’imaginaire américain- la confrontation avec cette nature aussi âpre que démesurée se lit bien sûr dans les romans de Jim Harrison. La liste serait longue et ennuyeuse, aussi préfèrerais-je porter votre attention sur une maison d’édition qui porte la trace, dans son logo, de cette nature sauvage puisqu’il s’agit d’une patte d’ours. Je veux bien sûr parler de l’édition Gallmeister, fondée en 2005 et qui met à l’honneur un genre littéraire américain : écrire la nature. Des auteurs, disciples de Thoreau, ont vécu en immersion sur des territoires sauvages et racontent leur expérience. Découvrez David Vann, Trévanian…
Pas de frontière pour le lecteur, que des grands espaces à parcourir, mais jamais au détriment d’un « sauvage ». Car le sauvage, c’est lui-même qui dévore, à chaque page, un continent inconnu. Pas de conquête, hormis celle du sens.